SWIM + BIKE + RUN = TRIATHLON

Pour atteindre un objectif, soit on se donne les moyens, soit on se trouve des excuses.

dimanche 27 mars 2016

ZURICH 2012 : LA LOI DE L'IRONMAN.




C’est fait. Mon 5ème IronMan est désormais derrière moi, et le miracle tant espéré ne s’est pas produit. Comme quoi, il n’y a que le travail qui paie. J’ai réellement vécu une sacrée drôle de journée en passant dans tous les états possibles. Cet IronMan a été une aventure hors du commun sur tous les points de vue : sensations, climat, état d’esprit, règlementation, introspection.
J’écrivais des articles d’avant course dans cette rubrique en insistant sur la dominante « plaisir » « zen ». Malheureusement cela ne s’est pas passé comme cela aurait dû se passer.
Ce 15 juillet 2012 était un jour SANS, et un jour sans reste un jour sans. Comment passer du calvaire à l’euphorie ? Suivez le guide.




Préambule :
Avant de commencer le récit de l’IronMan de Zurich, je tiens absolument à aborder trois points.
En premier, je souhaite remercier ma petite famille qui m’a encouragé fortement tout au long de ce nouveau périple. Malgré les conditions météo difficiles et certains doutes suite à des évènements de course, ils ont su garder le moral et trouver au fond d’eux-mêmes une énergie positive communicative pour me transporter vers cette nouvelle finish line, que je n’avais pas imaginée aussi lointaine. Ensuite, tous mes remerciements vont à ceux, nombreux d’ailleurs, qui m’ont envoyé des messages de soutien avant, pendant et après la course que ce soit par SMS ou par téléphone, et qui ont pensé très fort à moi lors de cette longue journée. Un merci également aux « triathletes addicted » du forum qui ont animé le live en attendant les temps intermédiaires. En posant le pied sur les tapis, j’ai eu des pensées pour vous autres, qui étiez si loin et si proches à la fois. Enfin, un merci aux sponsors qui m’ont soutenu en début de saison et qui me soutiennent encore, et je pense notamment à David, d’Endurance Shop au Havre, fidèle et passionné de Triathlon, car il faut vraiment être passionné pour rendre service comme il l’a fait juste avant mon départ pour Zurich. Super David. 
En second, j’insiste sur la belle organisation de l’IronMan de Zurich. Cette course est très bien rodée et les spectateurs nombreux sur le parcours du marathon contribuent à faire du Triathlon une grande fête. L’ambiance est excellente, le parcours sympa et l’après-course, ravitaillements et massages corrects. Mais cela ne vaut pas Roth.
Enfin le dernier point avant de commencer mon aventure du jour, j’insiste sur le fait que je suis un compétiteur, un compétiteur perfectionniste.
Mes propos vont peut-être vous surprendre, mais je ne suis pas réellement satisfait de ma performance. Je suis conscient de revenir d’assez loin puisque comme vous le savez, fidèles lecteurs de ce blog, tant de choses ont contrecarré ma préparation. Je sais bien entendu qu’un IronMan est une épreuve exigeante qui implique une attitude humble et qu’une telle épreuve mal préparée ne pardonne pas. « Il n’y a pas d’épreuve difficile, il n’y a que des athlètes mal préparés ». Je sais tout cela et je me le répète assez. Pourtant, quand on a connu de bien meilleures marques chronométriques sur LA distance reine et qu’on est justement un compétiteur, tout athlète a du mal à accepter un moins bon résultat, même si on prend en considération les remarques précédemment citées, et même si le résultat est tout de même acceptable. Je suis ainsi : exigeant, compétiteur, déterminé.
Voilà pour cette introduction un peu longue mais nécessaire, place maintenant au compte rendu de la course.
La veille de course :
Après une halte en Lorraine chez ma sœur le vendredi, nous reprenons la route vers la Suisse le samedi matin de bonne heure. La météo est pluvieuse et les prévisions de Zurich pour le week-end n’y seront pas meilleures. L’entrée chez les Helvetes est un peu longue et nous arrivons à Zurich vers 13h30. Nous prenons un repas rapide et nous nous dirigeons vers le lac pour retirer dossard et puce. Dans la foulée, nous repartons nous installer dans notre Hôtel, où je prépare mes affaires car je dois déposer le Ridley entre 17h30 et 18h30. Pendant que la petite famille recharge les batteries, je regroupe minutieusement les affaires : gels, barres, breuvages pour la course, stickers sur casque et spad… la routine quoi. Nous retournons à l’ « Event Area » (la zone centrale de l’événement) où il y a le village, les stands, l’animation… Un petit coup de fil à Adrien pour savoir s’il est sur zone. Non. Il a déjà posé le vélo et se repose à l’hôtel. On se verra donc rapidement demain avant le départ. Par contre, nous croisons Richard. Rapide bonjour car il est l’heure de déposer le vélo dans le parc.


Petit aparté avec une petite présentation qui est importante ici car j’en reparlerai plus tard dans mon récit.
Adrien est un triathlète semi-pro. Un gars taillé pour le TRI et qui vit sa passion à fond. Deux stages en Espagne de 15 jours cette année, des semaines à presque 30h voir plus, un super triathlète pas avare de conseils, qui peut enquiller en un week-end 800kms de vélo et une sortie longue à pied. Bref, un quasi-pro vous dis-je. Il est là pour le slot, rien que pour le slot et la victoire en GA, même groupe d’âge que moi, histoire de rajouter une étape dans son périple automnal puisqu’il a déjà sa Qualif en poche pour le 70.3 de Las Vegas.
Richard, c’est un autre triathlète du HAC qui habite le même village que nous, déjà finisher à Nice et très sympa. Un ancien footballeur converti au Triathlon, si si ça arrive… et il a bien fait.
Hop, je referme la parenthèse.


L’installation dans le parc est assez rapide après la photo traditionnelle de l’athlète avec son vélo pour éviter les erreurs et les vols.


Nous sommes très serrés dans ce parc. Je scotche les gels sur le cadre et mets la bâche sur le vélo. Après une prise de repère de la position de ma machine de course dans le grand parc à vélos, je décide de faire en marchant l’entrée et la sortie du parc, car il est indispensable de repérer les passages des transitions. Trévor Delsault est là, on échange deux-trois mots sur la transition Natation Vélo. Je fais le parcours en marchant que j’emprunterai demain pour mémoriser le chemin à suivre. Tout est bon !
Retour à l’hôtel pour se restaurer avec un bon plat de pâtes et surtout dormir, enfin, si je peux.
La nuit sera un peu courte finalement. Je me suis réveillé de nombreuses fois pour vérifier l’heure, juste histoire de savoir si je ne m’étais pas oublié. Je me lèverais finalement à 4h40. Rasage, il faut toujours être beau sur une course, préparatif des affaires, dont tri-fonction, tout en mastiquant des parts du célèbre Gatosport. Je suis prêt. J’embrasse Madame BipBip avant de partir. Elle me souhaite une bonne course. Je quitte l’hôtel. Il est 5h20.
L’avant course :
Me voilà chargé de mes sacs en train de marcher vers la zone de transition. Il pleut légèrement. Tiens donc, comme par hasard, mais heureusement des coins de ciel bleu sont perceptibles. Tout en me dirigeant vers le parc à vélos, je mange doucement des morceaux de Gatosport et je bois par petites gorgées une boisson d’attente. Honnêtement, je me sens très bien et j’ai réellement le sentiment que je vais passer une bonne journée. Je suis heureux d’être là malgré les difficultés rencontrées lors de ma préparation. Ca va le faire ! Take it easy.
J’entre dans le parc. Il y a déjà beaucoup de monde. Je suis un des derniers à débâcher mon vélo dans ma rangée. A mes côtés, deux français. Un normand et un gars d’Amiens. On discute un petit peu, mais sans plus, car je dois m’occuper de préparer mon Ridley, notamment en approvisionnant ma pochette de barres énergétiques, et disposer mes chaussures CAP et VELO. J’ai fini. Je décide d’aller saluer Adrien, qui est déjà très concentré. Le bonjour est rapide et nous nous souhaitons une bonne course.
En revenant à ma place, je termine mes préparatifs.
Je lève la tête et de gros nuages noirs passent. Je prends alors l’option de laisser dans le sac, les lunettes de soleil et de sortir un coupe-vent. La pluie, je connais. Je l’ai presque, j’ai bien dit « presque », apprivoisée. Je salue aussi Richard qui se trouve dans la rangée opposée à la mienne. On se souhaite le meilleur et lui dis de surtout prendre du plaisir… A cet instant-là, je pense réellement que moi aussi je vais en prendre, du plaisir. J’enfile la combinaison, laissant libre le haut du corps, et nous filons tous poser nos sacs d’après course sous la tente dédiée. Sur le trajet qui mène au départ Natation, je n’entends plus rien, je ne vois plus rien, je suis complètement dans ma bulle. Je suis vraiment bien et je me sens prêt à en découdre. Dans 10mn, c’est le départ. La concentration est optimale. J’écoute mon souffle. Une jeune femme me fermera la combinaison avec quelques difficultés. Ouf, c’est fait. Je teste l’eau. Elle est bonne et décide de faire quelques mètres d’échauffement sur la droite du départ. Pendant ce temps, les pros viennent juste de partir, il est 6h55. Il nous reste 5mn.
Je rejoins la ligne de départ. Je suis en seconde ligne, placé idéalement. Parfait !
« 2mn before start ». Je souffle régulièrement en fixant la bouée jaune, pendant ce temps, le speaker souhaite un joyeux anniversaire aux concurrents nés le 15/7. Sympathique attention.
« One minute to go ! »… trop bon… on y est presque. Allez, départ rapide en deux temps et après on trouve le rythme de croisière…

NATATION : Que ce fut long, fastidieux et douloureux. 1h11.
Deux boucles à effectuer avec une sortie à l’australienne. Bouées pas assez visibles.
C’est parti ! Je nage vite. Les bras se mettent en action, respiration en deux temps. Ca avance bien, direction la grosse bouée jaune. Les 300 premiers mètres passent nickel, je suis aux avant-postes. Contrat rempli, le but de partir vite est d’éviter les coups, surtout que je me suis bien entrainé à cet exercice et que désormais, j’ai l’habitude de ces sensations. Tout est nickel, quand, tout à coup, plus rien de ne va plus. Aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à expliquer ce qui a bien pu se passer. Les bras sont très lourds et les épaules très douloureuses. Je subis et commence à ralentir. Sur mes dernières séances, je n’avais jamais ressenti cela et qui plus est, la bouée du fond se distingue vraiment mal. Ce sera d’ailleurs le cas tout au long du parcours, surtout sur le retour vers la berge, où les bouées ne sont pas assez nombreuses et il est bien difficile de s’orienter. 
Et ce qui devait arrivait, arriva. Une vague, une déferlante, comment dire, un tsunami de triathlètes barbares revient de l’arrière et commence à me chahuter et me déstabiliser. Par petits paquets, je me fais dévorer par des pirhanas en combinaison noire. C’est que 1700 athlètes lancés, ça fait une sacrée machine à laver quand même. Bing ! Un coup dans les lunettes, ça va, rien de grave, je suis presque à la première bouée. Bon virage, pas trop d’encombrements. Hop, ça repart en direction de la seconde bouée que je ne perçois même pas. Même dans les vagues d’Etretat ou celles du Pays de Galles l’an dernier, je savais où aller. Là, je suis dans le paquet de triathlètes et j’essaie de temps à autre de me repérer. C’est vraiment difficile, et les épaules sont toujours douloureuses. Je ne prends aucun plaisir à nager, contrairement à d’habitude où j’aime le combat et l’orientation. Il faut laisser passer l’orage comme on dit… OK. Seconde bouée passée et direction la petite île pour la sortie à l’australienne après un passage sous un petit pont où les spectateurs sont amassés. La sortie arrive et je ne me sens pas au mieux, comme si j’avais des haltères sur les épaules… On m’aide à sortir. Je cours sur le tapis où un chrono intermédiaire sera pris… en replongeant de l’autre côté, après avoir visé dans le lointain la bouée jaune de demi-tour, je me fais mal aux ischios. Quelques battements de jambes et ça passe… Cette sortie terrestre m’aura fait un peu de bien, car les épaules vont mieux. Je nage maintenant à peu près normalement et remonte même un petit paquet devant moi. Aaaaah, ça me rassure un peu. Par contre, je n’ai toujours pas de visibilité avec le devant et surtout les bouées difficilement repérables… Je crois que j’ai nagé bien plus qu’il ne fallait, car je n’ai jamais eu l’impression de nager droit. La seconde boucle passera beaucoup mieux. Je me permettrai même quelques accélérations pour doubler d’improbables nageurs zigzagueurs. Sur la dernière ligne droite en direction de la sortie, je fais attention à la météo. Un grand soleil brille au dessus de nos têtes. Bigre ! Je n’ai pas prévu les lunettes. Tant pis ! Quant au coupe-vent, il sera bien inutile. Je décide donc à cet instant de partir en tri-fonction.
La sortie approche… j’ai le sentiment d’avoir nagé plus longtemps que d’habitude, mes chronos oscillant entre 1h00 et 1h06… on me hisse à l’extérieur de l’élément liquide. Je retire lunettes et bonnet… hop hop hop, en route pour le vélo qui sera bien mieux j’espère…



T1 : Très bien. 2mn 28.
En courant, je retire le haut de la combinaison. Arrivé à mon emplacement, je retire la peau du pingouin, vite fait bien fait. Chaussettes, chaussures, dossard en arrière, casque, et comme convenu, je laisse le coupe-vent. En route pour 180kms. J’ai du temps à rattraper car je suis en 1h14.



VELO : La catastrophe ou le tour de France en live. 6h01
Je sors du parc après avoir franchi la ligne. Le parcours est sur le papier assez roulant. 30kms de plat, 25kms vallonnés, 25kms assez difficiles avec la montée de « The Beast » une côte en lacets de 4kms avec un bon pourcentage pour aller jusqu’au col, une descente rapide derrière, un faux plat montant sur 5kms le long de la voie ferrée et une longue descente en fort pourcentage pour retourner vers le lac, enfin 15kms plat sauf pour HeartBreak Hill, un bon petit coup de cul d’1km environ à 18% sur la fin, suivi d’une portion plate en retour vers le parc à vélos.
Cette boucle sera à effectuer deux fois.
Il fait beau, le vent est favorable, le bitume est de qualité, rien de mieux pour commencer la partie cycliste. Seulement d’entrée de jeu, je sens qu’il y a un problème, un gros problème. Je m’aperçois que je n’ai pas de jambes. Enfin si, j’ai bien des jambes puisque je pédale, mais j’ai des douleurs au niveau des hanches et je n’arrive pas à envoyer du lourd. Je me contente de rouler à un rythme non appuyé même si ma moyenne oscille entre 36-37km/h. Vous allez dire que c’est déjà bien, mais comme c’est plat, que le vent est favorable et que toutes les conditions sont réunies, je devrais rouler plutôt au dessus de 40km/h. Je ne me sens pas très bien, mais n’oublie pas l’indispensable : boire régulièrement et s’alimenter.
Je suis presque heureux de changer de direction et de monter un peu, car, chose très rare d’ailleurs pour moi, je commençais à en avoir assez d’être allongé sur le cintre. Moi qui adore cet exercice position aéro, aujourd’hui, c’est le contraire.
Les premières parties vallonnées sont passées sur la plaque. Je reprends même quelques places sans forcer mon talent. Arrive une descente où l’on surplombe le lac, magnifique vue d’ailleurs (c’est beau la Suisse !), et je vois au loin de très gros nuages noirs et de belles averses qui arrivent. Fichtre ! Ben oui quoi, je n’ai pas fait une course sans la pluie cette année, il n’y a pas de raison que je ne prenne pas un peu d’eau sur le coin du museau… En tout cas, cela semble inévitable. Le bas de la bosse en lacets « The Beast » arrive. Dans ma tête, je pensais la monter sur la plaque, mais voilà qu’au bout de 200m, j’enroule la petite, la petite plaque je veux dire. Je n’ai vraiment pas de jus. Je subis. La montée est longue, longue, en lacets, et je roule, roule, roule à peine à 15km/h.



Le col arrive enfin… et là, au moment d’entamer la très belle descente, juste après avoir passé le sommet, l’orage éclate. La pluie est soutenue et bientôt laisse place à des grêlons gros comme des œufs de pigeons. Oooooh, outch’, purée ça fait mal. Je roule à 50km/h, mais je décide de freiner pour descendre à moins de 30km/h car la vitesse du triathlète et la vitesse des grêlons cumulées font terriblement mal, et puis ça glisse…
Voilà que j’ai froid. Un remake de l’IM de Francfort ? Mince, pourvu que cela ne dure pas. La grêle ne tombe plus quand j’arrive en bas. Le faux plat montant, le long de la voie ferrée sur 5kms sera terrible : pluie et vent fort de face, comme au triathlon du Havre il y a trois semaines. Quelle poisse ! Je me ravitaille avant d’enchainer les grosses descentes devenues glissantes. C’est très dangereux. Je passe mon temps à freiner, surtout qu’un athlète bien amoché est étendu au bord de la route. Prudence…
Ouf ! Le soleil revient quand j’arrive au bord du lac de retour vers Zurich. Je ne suis pas très frais, mais je n’ai pas froid. Juste avant le passage devant l’aire de transition, je croise Madame BipBip et les enfants qui m’encouragent. Ca fait du bien.



Heartbreak Hill passera finalement bien, en tout cas, mieux que prévu…
Je file devant le parc à vélos. C’est le début du second tour. Je vide un de mes bidons, et il me vient une idée stupide, une idée qui montre réellement un manque de lucidité. Je me dis qu’au passage devant mes supporters, je leur jetterai le bidon vide. L’instant fatidique arrive. Il m’encourage et je balance mon bidon.



Devinez où ? Juste devant les arbitres. C’est simple, mais la règle est la règle, DSQ (Disqualification).  Interdiction de jeter des objets en dehors des aires dédiées. Et honnêtement, à cet instant, je n’y ai même pas pensé. Je suis dans la course et ce geste est dans mon esprit sans aucune conséquence. L’arbitre pense autrement (il a raison) et va voir mes supporters et leur dit que je suis DSQ, que si je connais le règlement, il n’a pas d’autre choix que de me disqualifier. Il annonce mon numéro de dossard à une moto qui part dans ma direction… Les enfants fondent en larmes… Je continue ma route… Jamais je ne verrai un seul arbitre me donner le fameux carton noir. Mes proches, eux, ne le savent pas… et pourquoi n’ai-je vu personne m’arrêter ? Mystère et boule de gomme.
Le deuxième tour est entamé par la portion plate. Bizarrement, ça va mieux. Je roule plus fort que lors de la première boucle sur certaines lignes droites où je file à plus de 40km/h. Quelques frissons arrivent et s’évanouissent dès que je procède à une vidange naturelle. Les parties vallonnées sont entamées presque aussi vite que tout à l’heure, mais tout d’un coup, même si j’ai bu régulièrement et mangé, je n’ai plus de jus. Nous sommes au KM110 et je me demande comment je vais repasser « The Beast ». J’ai les cervicales endolories, le bas du dos qui tiraille et, soudainement, j’ai la vive impression d’être sur une étape du tour de France. Les coureurs défilent en direct, les uns après les autres, et je m’attarde même à lire les prénoms des athlètes. Je ne rattraperai plus personne à partir de ce moment. « The Beast » est là. Il fait cette fois, terriblement chaud. Je suis dans l’ascension en train de souffler et de verser de l’eau du bidon sur le casque pour me rafraichir. Je roule à 12km/h. Je n’ai jamais aimé les bosses, mais là, quand on n’a pas de jambes, c’est une catastrophe…



J’en ai marre. La descente qui suit est mieux négociée que tout à l’heure, à plus de 70km/h… Le vent est bien plus fort qu’au premier tour sur la portion faux plat montant le long de la voie ferrée. Adrien m’avait dit qu’il n’aimait ce secteur. Moi non plus, surtout avec ce vent de face et la pluie qui refait son apparition. La pluie n’est plus aussi forte, mais c’est pénible… J’en ai marre de l’eau. 
Le retour vers Zurich sera une formalité, et la grosse descente est négociée plus rapidement qu’au premier tour. J’approche les 80km/h. Allez, on y est presque, voici le lac. Je file à allure régulière (32km/h). Le marathon a déjà commencé pour certains, dont Adrien que j’aperçois et que j’encourage. Je rejoins la bosse à 18%. En bas, ça tire dans les cuisses. Les quadriceps sont durs. Un début de crampe arrive, mais je bois aussitôt, et la gêne disparaît. Hop ! C’est passé. Retour au parc à vélos après 6h00 d’effort. Une paille.
A aucun moment, je n’ai eu de bonnes sensations en VELO. Cette épreuve fut une catastrophe. J’ai mal aux reins en descendant du Ridley… et maintenant, le dessert arrive : le Marathon.
T2 : Très bonne. 2mn36.
Je rejoins ma place. Je perds un peu de temps, car mes chaussures sont trempées, tout comme mes chaussettes aux pieds d’ailleurs, et la paire de chaussettes de rechange dégouline d’eau. Bon, pas besoin de réfléchir d’avantage. J’enfile les Mizunos comme ça, après avoir récupéré le gel. Casquette vissée sur la tête. Et hop hop hop, direction le fameux Marathon.

CAP : Un Marathon en yoyo et une fin « très » heureuse ! 3h59.
Au menu, 4 boucles de 10.5K avec de nombreuses épingles en relance et quelques bosses, très courtes, mais casse-pattes.
Je cours. Si si, j’ai mal au bas du dos, mais je cours. Je me redresse le plus que je peux pour faire le beau et surtout soulager les reins, après un passage rapide aux toilettes. Là, une phrase de Dirk, mon pote triathlète allemand, se grave dans mon esprit : « never never walk on marathon ! » OK. Jamais marcher, même si je cours doucement, je m’interdirai de marcher… Le premier kilomètre est un enfer, j’ai mal de partout. A cet instant précis, je me demande si j’irai au bout de l’aventure. Je n’ai jamais su que j’avais un DSQ en suspens comme une épée de Damoclès au dessus de la tête (le bidon jeté du vélo), mais je suis simplement en train de me demander si finalement je ne choisirais pas le DNF (Did Not Finished = Abandon). En effet, je cours à 10km/h. C’est tragique, enfin tragi-comique. Pourtant, je ne dois pas lâcher prise, mes proches m’attendent à l’endroit convenu, là, où je dois passer à trois reprises par tour sur le parcours…
Il y a du monde de partout. Les ravitaillements sont très bien fournis et les bénévoles extras. Plusieurs fois et cela tout au long du parcours, j’entendrais « Come on Fred ! Good job ! Allez ! ».. Ca motive forcément pour continuer et côté ravitaillement, je ne rate pas mon verre d’eau et mon verre de coca. Premier demi-tour en épingle au KM3.3 sur le tapis qui enregistre la puce, je cours comme une limace. Comment vais-je limiter la casse ?
Bientôt, le point de rendez-vous avec mes proches arrivera, juste après avoir récupéré le premier chouchou. Je passe dans le tunnel sous la route, ils devraient être au bout. Personne. Je les cherche du regard tout autour… Je ne les vois pas. Où sont-ils ? Je m’inquiète. Dimitri a t-il mouillé son pansement avec l’orage ? Sont-ils retournés à l’hôtel ? Tiens, justement, la pluie arrive et ça commence à bien tomber. Bon, je suis triste de ne pas les avoir vus, mais je me dis que je vais aller au bout du demi-tour du fond et que je les verrai forcément au retour… Je cours comme je peux. Mal, très mal, j’ai mal. J’ai encore ralenti au demi-tour du fond KM7.1. A cet instant, le dossard 890 me passe. Une petite blonde dont je trouve le rythme à ma convenance permet de me réveiller… Je me mets derrière elle (elle a deux chouchous, moi qu’un seul) et je la suis pendant deux kilomètres, car en plus, elle me rapproche plus vite de ma petite famille que j’espère cette fois trouver sur le chemin. Le rythme me convient. 4’55’’au kilo.



La zone de rencontre approche, j’y suis… Je cherche de partout… pas de Madame BipBip, pas d’enfants. Personne. Où sont-ils ? Je passe devant l’arrivée, le premier tour est presque bouclé… et là, comme par enchantement, j’aperçois ma moitié… J’entends : « Aaaaah, tu es là ? » … « Ben oui quoi, je cours le marathon » me dis-je au plus profond de moi quelques hectomètres plus tard… mais pourquoi n’étaient-ils pas là-bas ? Je ne comprends pas cette remarque de ma douce : « Aaaaah, tu es là ? »
Le second tour se poursuit sur un bon tempo, enfin meilleur que le premier. Les encouragements du public en masse, malgré la pluie, est galvanisant. Je file, tranquille, même si je sais que mon rythme n’est pas celui des derniers ironman effectués. Je récupère le second chouchou. Je passe le petit tunnel, et là, cette fois, toute la petite famille est au rendez-vous et m’encourage très fort.  





Whouah je suis content de les voir ! Je m’arrête 10 secondes pour faire un bisou à mes garçons et aussi à Madame. J’échange un ou deux mots. Je leur dis que ça ne va pas, que j’ai fait un vélo catastrophique et que c’est dur… Je repars le cœur plus léger, mais ma foulée, elle, ne l’est pas, enfin ce n’est pas celle que je souhaite… Je me souviens même aujourd’hui de cette phrase que je prononce à cet instant en les quittant : « je suis nul ! » et que des larmes me montèrent aux yeux tellement je m’en voulais d’être aussi mauvais. Je continue ma route en me donnant comme objectif d’aller jusqu’au semi-marathon, la fin du second tour. Je vis un vrai calvaire à cet instant, même si les temps intermédiaires ne le montrent pas vraiment.
Dans la ligne droite qui me mène au bout de la dernière épingle (KM17.6), je croise Richard, le gars du même village que moi. « Allez Fred » me crie t-il en secouant les bras avec beaucoup d’énergie… Je lui fais un signe de la main. Il a l’air super bien le bougre, je ne connais pas son tour (pas eu le temps de voir le nombre de chouchous) mais en tout cas il a l’air frais, pas comme moi. J’aime bien ces deux longues lignes droites entrecoupées par le passage du pont au dessus la rivière qui s’échappe du lac, car il y a du monde et c’est plat. Sur cette portion, juste avant le retour vers le parc, je regarde le chrono, et je devine qu’Adrien va me passer à un moment ou un autre… Et ça ne rate pas. Il me tape la fesse gauche et me dit : « Allez mon bichon, on ne lâche pas. »… A cet instant, je décide de relancer la machine. Je me cale derrière lui, là, juste dans sa foulée, à 14km/h. Je colle, je suis pas mal finalement. Que c’est bon de courir comme çà quand on galère, et surtout cela semble étrange de pouvoir tenir sans souffrir. Je suis presque bien. Jouer ainsi au yoyo avec les allures et le suivre environ 500m avant de le voir s’éloigner fut un régal, lui qui est dans son dernier tour, qui finira 16ème au scratch et 1er GA 40-44. Quelle foulée. {#}
Mais ici j’apprends une chose très importante, une chose qui me servira à coup sûr un jour où je serai bien, un jour où j’aurai des jambes, enfin mieux quoi ! On est capable d’accélérer même quand on croit qu’on ne peut pas…
Pendant ce temps, Stardust qui me suit sur le forum écrit : « Le malin, il en a gardé sous le pied ! Allez, faut tenir et le chrono devrait afficher pas loin de 3h50 sur le marathon.
Les conditions météo sont très compliquées apparemment. »
C’est vrai Stardust, ça flotte très fort, et c’est vrai aussi que je suis allé plus vite, grâce au dossard 890 et à Adrien. Mais je n’en ai pas gardé sous le pied, non, je suis sec. Sec. . Restent encore 2 tours…




Je retrouve les enfants qui se lâchent après mon passage. C'est beau à voir non?




C’est bon pour le moral. Je boucle le second tour. Cela fait 1h55 que je cours. Quasiment 2h pour 21kms. C’est de la folie comme c’est lent malgré mes deux petites pointes vitesse (ahahah), et il reste le double à faire, sachant que la seconde moitié d’un marathon est théoriquement plus lente. Le troisième tour me semblera un peu meilleur. D’une part parce que je croise désormais Richard à chaque fois qu’il y a une épingle et on s’encourage… Je suis porté par mes proches et les spectateurs. Je trouve un rythme de croisière et je me rends compte que Richard est dans le même tour que moi et qu’il est en train de faiblir… Concrètement, alors que 5mn nous séparaient, l’écart tombe à 1mn et il reste un peu plus d’un tour. Je suis au KM28. Une phrase de Mark Allen me vient à l’esprit : « Un IronMan, ça commence au KM28 du Marathon ». C’est vrai. C’est là que ça passe ou ça casse. La pluie tombe juste avant la fin de ce troisième tour. Je suis content car j’avais chaud et cela rafraichit l’organisme. Je boucle enfin ce troisième tour. KM32. Il n’en reste plus qu’un.



UN ! Allez Fred, encore un dernier chouchou et ce sera la fin de cette journée galère !
A cet instant, je sais que j’irai au bout. Et quand je regarde le chronomètre, je sais également que je serai loin de ma meilleure marque IronMan. Je serai au delà des 11h. Au delà des 11h.... 
Je prends la boucle qui longe le parc à vélos, début du quatrième tour. Et que vois-je ? Richard. Là, à 100m. Je fais un arrêt au stand et repars. Je le double dans la petite descente. « Allez Richard ! »… « J’ai mal à ma cheville gauche » me dit-il… Mince ! Je file. Au ravitaillement qui suit, je marche pour la première fois en buvant et en espérant que Richard fasse de même, histoire de discuter un peu des petits potins de notre village. Non, il continue, il court. Ooooh ! Tu ne veux pas boire un coup avec moi ? Bon, alors je cours aussi et finalement le laisse derrière moi. J’avance. A l’épingle suivante près du Parc Belvoir, Richard est derrière. « Accroche Richard, t’es pas très loin ». On se tape la main au passage, comme une photo publiée récemment sur ce blog. Je revois encore une fois ma famille qui me dit qu’ils m’attendront désormais à l’arrivée. OK.
Adrien a déjà fini son IronMan, douché. Il me dit « Tu veux les jambes de Dimitri ou quoi ? »… Il a raison, j’en aurai bien besoin des jambes de mon fiston. Je file jusqu’au demi-tour du fond, KM38.7. Allez, il n’y a plus qu’à retourner au parc, vers LA finish line, sur la portion que je préfère. Je décide d’accélérer. OOOOh peucheure, pas beaucoup, mais quand même, augmentant mon allure de 1km/h environ…



Je revois Richard, un peu plus loin que tout à l’heure. Je lui crie « Allez Richard, Finisher ! ». Bizarre, je me sens bien, j’avance pas mal. Au KM41.5, Adrien me crie même que je cours encore bien et que je n’ai sans doute pas assez forcé… Merci mec ! {#}
La ligne n’est plus très loin. Au lieu de filer tout droit comme les concurrents qui sont devant moi et qui n’ont pas encore mérité les 4 chouchous règlementaires, je vais tourner à droite dans 100m. Il me reste 200m. Je cherche mes proches. Et la surprise est immense ! Alors qu’il est totalement interdit sur le circuit IronMan de finir avec des proches pour ne pas gêner les autres triathlètes, j’outrepasse cette règle (la seconde aujourd’hui) en prenant mes deux enfants par la main.




J’effectue la dernière ligne droite, une de mes plus belles lignes droites, avec eux, mes deux garçons, courant à mes côtés, main dans la main. Quelle fin heureuse ! Quelle joie ! Quelle récompense après cette journée de détresse… Le chrono n’est pas satisfaisant, mais l’euphorie est là, avec Dimitri et Adrien qui sont fiers de partager cet instant unique avec leur Papa. Mémorable. Enorme. Incroyable. 



La journée a été longue. J’avance entre les barrières pour attendre Ma Moitié. Elle s’avance et me dit : « Tu n’es pas disqualifié ? » « Disqualifié. Pourquoi ? » « L’arbitre a prévenu la moto pour le carton noir en vélo. On a attendu longtemps près du parc (+ de 3h30) pensant te voir revenir vite. On ne savait pas où tu étais. » Voilà pourquoi je n’avais vu personne lors du premier tour du rendez-vous CAP. Tout s’explique. Et non, entre temps j’avais fait un tour gratuit de vélo et un tour CAP. Et heureusement que je l’ai pas su avant, que j’avais un DSQ potentiel, car sans doute aurai-je arrêté ! Personne n’est venu me disqualifier. La preuve, je suis classé ! 492ème.
Drôle de journée n’est ce pas ?
Conclusion
J’ai vécu une journée très difficile : mal aux épaules, jamais bien en vélo et une course à pied avec le moral dans les chaussettes. Heureusement, cette histoire finit sur une « happy end », avec les enfants pour partager ce moment unique, ce moment privilégié, où l’on arrive ensemble jusqu’à la finish line. Car j'ai des supporters incroyables que beaucoup de triathlètes m'envient. Ils crient, encouragent, me portent dans les moments les plus durs. Cette finish line est aussi la leur. Il la mérite tout autant que moi.
Sur le forum ou par email, SMS, où beaucoup a suivi le live, j’ai reçu des félicitations. Merci encore à tous. Néanmoins, comme je le dis dans la première phrase de cet article, le miracle n’a pas eu lieu. On ne peut pas prétendre à de belles performances si on ne fait pas l’entrainement qu’il faut en amont.
Je suis très heureux d’avoir été au bout de cette course grâce à cette fin mémorable de partage avec les enfants, au mental. Pourtant, outre cette fin en apothéose, je n’ai pas réellement pris de plaisir, et bien évidemment je suis déçu du chronomètre.
Mais c’est çà, l’histoire de l’IronMan. La dure et belle loi de l’IronMan. Je suis finisher une fois de plus en ayant donné le meilleur de moi-même, dans un jour sans.
486 à la sortie de l’eau, 630 à la fin du vélo (+144 places), 492 à la fin du Marathon (-138 places). Je termine 90ème GA sur 323 partants et 492ème au général sur 1702 partants. Le chrono affiche 11h17.
Pour votre information, ma plus grosse semaine de préparation aura été de 14h et le volume moyen hebdomadaire depuis le début de l’année de 7h. Ceci explique sans doute cela.
Et chose surprenante, c’est finalement au marathon que je m’en suis le mieux sorti. Anything is possible.


Quant à Adrien, il survole le chrono en 9h11 et Richard, pas très loin derrière moi en 11h27.



L’IronMan est une course solitaire qui mérite d’être vécue quand elle est une belle communion d’athlètes qui s’encouragent mutuellement en quête de dépassement de soi.


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