Je participais ce Samedi 05 Octobre au Half IronMan du Vieux Boucau. Une très belle course: nage dans l'étang salé du Vieux Boucau, vraiment très sympa, parcours vélo roulant au milieu des Landes et puis 4 tours de CAP autour du même étang, sur un joli parcours.
Tous les ingrédients étaient là. Même le soleil ! Il faisait frais avec la brise du matin.
Une phrase allait guider mon périple :
Il n'y a pas de course difficile. Il n'y a que des athlètes mal préparés.
J'ai commencé la préparation au début de l'été, avec beaucoup de Vélo et une reprise CAP progressive. L'accent serait mis en fin de préparation sur la Natation. Inutile de passer des heures dans le bac pour gagner une poignée de secondes.
La montée en puissance se passait très bien. Des allures acceptables étaient au rendez-vous en CAP. J'avançais plutôt bien. Jusqu'à ce 21 août, où mon ischio gauche se contracture sévèrement en pleine séance de piste. Une erreur de débutant. Vouloir accélérer d'un seul coup pour doubler les plus jeunes.
C'est le "d'un seul coup", la petite accélération brutale, que ma jambe n'a pas aimé.
Sur le Sprint de Casteljaloux, après une bonne Nat et un gros Vélo, je ne ferais que 400m à pied avant d'abandonner. L'ischio est douloureux et me condamne à être patient : kiné, onde de chocs (aïe aïe aïe) pour soigner tout ça.
Je refais un test 15 jours avant l'épreuve, je cours, mais pas plus de 600m. Cela s'annonce mal. Très mal. Je modifie la position de ma selle en vélo, pas judicieux non plus même si sur le moment j'y ai trouvé du mieux.
Je rabats tous mes entrainements sur le Vélo et sur la Nat en eau libre, le matin, de bonne heure vers 7h-7h15, en lac. Ces petites séances furent d'ailleurs extraordinaires. J'étais seul au monde dans une grande piscine avec les brumes du matin qui se dissipaient, au lever du soleil, dans une eau fraiche à 18° sans combinaison. J'ai adoré et j'en veux encore. Sur cette belle photo, on distingue dans la brume quatre des bouées autour desquelles j'évolue le matin.
La semaine qui précède, je coupe presque tout. Je n'aurai peut-être pas dû.
Mais bon, pendant deux jours je suis absent de la maison pour le boulot et pas de bonnes conditions pour s'entrainer, notamment sur l'alimentation. Bref ! De toute façon, je ne veux prendre aucun risque à pied. Et surtout je ne veux pas savoir si ça tiendra le jour J. L'espoir fait vivre.
Et finalement, pendant ce HALF, tout ne se passera pas comme je l'attendais ! Enfin presque...
***
Il est 9h50. Tout est installé dans le parc et dans l'aire de transition. J'enfile la combinaison. Je suis prêt à y aller. Motivé et heureux d'être là.
"Les vieux" de plus de 50 ans partent à 10h10. Juste après les pros.
"L'exemple des plus de 50" dit le speaker.
Oui et non !
Quand on a la fibre et quand on se maintient en forme, il n'y a pas de raison de ne pas pouvoir performer même encore après 50 ans.
Natation 1900m - eau 17°
Et c'est parti ! Les fauves sont lâchés.
Je pars plutôt bien et me retrouve dans les tous premiers des 60 athlètes de plus de 50 ans. La première bouée arrive, super vite.
J'ai même la chance d'être photographié du ciel en train de passer la première bouée. Le petit bouillon blanc, juste en haut à droite des immeubles du premier plan. On devine même les pros sortant en face, là où le petit canal se jette dans l'océan.

Je dois être dans les 15 premiers. Ensuite, j'ai des bonnes sensations. Je remonte des places dans la portion face au soleil qui éblouit un peu pour aller chercher la bouée du fond ! Mais, je me sens super bien. Je nage droit. Epaules légères. Petits battements de jambes. La bouée arrive déjà. Il faut revenir en arrière...
Le retour se passe nickel aussi. J'accélère pour doubler deux gars. Troisième bouée. Hop, à droite. Là, il faut repiquer vers le départ pour faire une sortie à l'australienne. Cette portion m'aura paru longue. J'y perdrai sans doute une ou deux places. Pas grave.
La sortie australienne arrive. Adrien m'encourage. J'entends 12. Bien.
Je cours sur la plage et quand je replonge dans l'étang, j'ai le souffle coupé sur 100m. Le passage de la position horizontale, verticale puis à nouveau horizontale, j'avais oublié. Dur !
Au bout d'une petite minute, je retrouve enfin le souffle et j'enquille tout droit vers la sortie d'en face !!! Elle arrive d'ailleurs assez vite !
Je m'extirpe de l'eau. J'ai un peu de mal à enlever le haut de la combinaison et j'ai aussi une sorte de petit vertige, je vois le sol basculer du côté droit. L'assiette est de travers. Comme quoi, il faut vraiment s'entrainer aux transitions. Chose que je ne fais presque plus. Axe de travail.
Transition 1
Je récupère le sac. J'y fourgue la combinaison et les lunettes, plein de sable avec. Je mets le dossard, casque, chaussettes, chaussures et c'est parti.
Vélo (90kms) - D+ 300
Arrive mon point fort. J'avais dit aux miens qu'en ce moment, en Vélo, j'envoyais du bois. Je comptais bien faire un gros chrono. J'avais fait 2h23 aux Sables d'Olonne sur un parcours exigeant, j'espérais mieux.
Hop, je sors du parc à vélos.
D'entrée de jeu, un sale petit dos d'âne. Mes deux bidons arrière sortent du logement.
Flûte ! Ca commence bien !
Je veux faire demi-tour pour les récupérer mais une gentille dame arrive en courant à ma rencontre et me les rapporte. Merci Madame. Apparemment, je suis pas le premier.
Et maintenant c'est parti !
J'essaie de trouver le bon braquet. Par contre, je suis très surpris par le vent. Il souffle fort et régulier l'enfoiré. Et la première partie est tout en faux plat montant jusqu'au KM30 et vent de face. J'appuie, sans pourtant me mettre dans le rouge.
Au KM14, je double Pierre, un cinquantenaire de la Tribu 64 qui nage mieux que moi. Les routes sont nickelles. Il n'y a presque pas de voitures et on chemine au milieu des pins. C'est joli.
Seuls bémols, le vent souffle fort et les lignes droites sont interminables.
Je maintiens un bon rythme. La moyenne avoisine les 33-34km/h. Après le KM30, on devrait avoir le vent de côté et un profil plat. À ce moment-là, j'ai prévu d'appuyer pour faire monter la moyenne...
J'y arrive. Sauf que je n'envoie pas comme je voudrais.
Vers le KM40, voilà que j'ai mal au dessus du genou gauche et au fessier du même côté. Je me lève pour relancer dans une petite bosse. Merde ! Crampe quadriceps gauche. Et jolie en plus.
Quelques kilomètres plus loin, c'est aussi la jambe droite qui crampe. Et ben, ça s'annonce mal tout çà. Je pédale et fais plein d'arrêt pédalage pour me reposer les jambes. Je pédale par à-coups en fait.
Au KM45, Nicolas me double. Il est facile ! Je suis planté.
Il me demande si ça va.
Je lui réponds : "plus envie de pédaler"... et on est qu'à la moitié.
Il me dit quelque chose mais je n'entends pas. Lui, en tout cas, il file comme une flèche. Il fera un joli 2h14. Un chrono que j'espérais sous les 2h20. Mais je sais déjà que c'est mort !
KM50, ravito. A partir de là, normalement, c'est plus descendant. Sauf qu'il y a toujours ce satané souffle constant. Il faut rester couché sur les prolongateurs pour subir le moins possible, mais mes deux quadriceps me torturent. Vraiment ! J'ai mal au dessus des deux genoux. C'est terrible. Je ne peux pas appuyer.
La bosse au KM60 est presque bienvenue. Je monte en danseuse. J'ai moins mal. Derrière il y a une bonne descente. Je ne pédale plus et je me laisse glisser. D'habitude, en descente, on peut gagner beaucoup de temps et j'envoie du bois. Là, rien. Je me repose. Et ça me gave de ne rien pouvoir faire.
KM70. Ouah c'est long. J'en ai plein le c...
Je regarde défiler les kilomètres. Sur le compteur, ça n'avance pas. J'ai trop mal au dessus des genoux, surtout le gauche. Les quadriceps sont tétanisés. Je bois, je mange un peu, mais ça ne passe toujours pas.
KM80. Je finis les 10 derniers en roulant à 25km/h. Mode balade.
Je me fais passer par plein de concurrents depuis maintenant 30kms. Jamais je n'en reprendrai un seul. Ah si, une fille, Julie, mais elle me déposera dans les 5 derniers kms où je ne peux plus rien faire.
Bon, dans ma tête, c'est clair. Je pose le vélo et j'arrête !
Je ne vois pas comment je vais pouvoir courir avec des quadris en bois et sous le couperet de l'ischio blessé qui plane. N'ayant pas couru tout le mois de septembre, pas sûr que l'ischio supporte les 21 kms.
Je passe devant les miens qui attendent depuis un moment au rond point.
Adrien me dit qu'il a compris que "ça ne va pas du tout" au regard du chrono réalisé. Ben oui, je suis à 2h40.
Au passage, je leur crie que je suis crampé de partout !!!
Je finis en roue libre. Dégoûté. Les bénévoles m'encouragent. Ils me disent "bravo, c'est bien"... s'ils savaient dans quel état je suis ! Et surtout que je ne suis pas à ma place. Mais ayant été bénévole, on ne connait pas les athlètes et leurs valeurs, donc, on encourage ! Merci à vous tous ! C'est grâce à vous que l'épreuve est possible. Vous avez été super tout le long.
Transition 2
Je descends du vélo. Mais pas comme d'habitude.
D'habitude, c'est un pied sur une pédale et puis la jambe arrière qui passe par dessus la selle. Et hop ! On saute. Là, non ! Cette fois, je ne peux pas, je suis crampé à mort. Alors je m'arrête. Je pose mes deux pieds de chaque côté du cadre et j'enjambe le vélo comme je peux pour descendre.
J'ai pris 30 ans en 90kms ! C'est Papi Fredo !
Je pose le vélo à sa place.
Je croise Serge, un des arbitres de la région, super sympa, et il me dit que ça n'a pas l'air d'aller.
Ah, ça se voit tant que ça !!! Je lui avoue que je suis crampé de partout.
Là, il me dit : "Pars doucement, des fois ça passe..." Mouais !
Je récupère le sac de transition pour prendre mes affaires de CAP. Je me chausse. Casquette. J'hésite quelques secondes et puis finalement, je pars. J'avais prévu de bâcher ! Mais j'essaie !
CAP (21.5KM, 4 tours)
Je m'élance. À la sortie de l'aire de transition, il y a Stéphane de l'aviron bayonnais. Je m'arrête pour le saluer. J'ai deux morceaux de bois à la place des jambes. Je cours comme Robocop ! J'ai mal.
Je repars petite foulée... vraiment petites foulées...
Courir avec des crampes, c'est possible, mais il faut vraiment être fou pour le faire, et courir sur l'arrière du pied. Tout en mode "appui sur le talon", sinon c'est quadris bloqués. Cela ne passe pas. Je marche à nouveau. Je m'arrête et m'étire. Outch ! C'est douloureux !!!
Je repars comme je peux. Surprise ! Pierre me double... Eh ben !
J'avance lentement. Lentement. Le premier ravito arrive. Je pioche dans les Haribo réglisse... et l'effet kiss cool se produit, enfin c'est un bien grand mot, disons que ça me relance un peu.
Je cours aux alentours des 10km/h. Et encore. J'arrive presque à la fin du premier tour et je vois les miens qui s'inquiètent.
Je suis sec, j'ai mal de partout et il reste 15kms.
Je ne vais pas vous raconter mon chemin de croix pendant encore deux tours. Je vous l'épargne. Ci-dessous, la fin du premier tour et le tout début du second.
À la fin du second tour, au même endroit, et donc début de troisième, je m'arrête près des miens et demande à Sacha si je vais jusqu'au bout ou si je m'arrête !
Il me répond jusqu'au bout !
Bon ! C'est parti alors.
Les crampes ne sont plus là. Mais je n'ai pas de jus. Faire un semi-marathon sans avoir couru depuis plus d'un mois et demi, après un vélo douloureux, c'est un peu fou !
Il y a toujours un peu de folie dans le sport comme il y a toujours un peu de sport dans la folie. Car on ne devient pas fou si facilement ! Oh que non ! Et puis comme des gens raisonnables, j'en connais beaucoup trop. Alors c'est parti. Je serai un fou aujourd'hui !
Je suis sec, j'ai des jambes en béton, je n'avance pas et j'en ai marre. Mais tant pis, je repars.
Ici, c'est la fin du troisième tour. Plus qu'un. Rien à signaler côté ischio. Je frappe dans les mains, comme si j'étais facile, décontracté, plein d'énergie... comme si !
Ce 3ème tour fut ardu.
Mais je ne sais pas encore à cet instant que le 4ème et dernier sera pire.
J'entame donc le dernier tour.
Juste avant, je m'arrête près des miens. Smack. Et c'est reparti. Plus qu'un !
Et là, de l'autre côté de l'étang, vers le KM18, l'ischio se réveille !
Douleur ! Contracture ! Mal ! Très mal ! La même. Celle qui traine depuis le 21 août ! Au même endroit. J'encaisse. J'essaie de courir un peu mais je ne peux plus. Trop douloureux. Trop contracté. Contracté seulement car justement je ne veux pas déchirer les fibres.
C'est mon cerveau qui m'avertit : "Garçon, si tu vas trop loin, il va y avoir du dégât."
Alors je marche. Et je marcherai jusqu'à l'arrivée. En boitant. D'habitude, on a tendance à accélérer vers la fin; ça sent l'écurie. Là, ça sent surtout la fin qui n'arrive pas.
Les miens, eux, sont sur la ligne d'arrivée. Ils attendent. Que cela doit être long d'attendre.
Mais j'arrive. J'arrive. En marchant. Les spectateurs me poussent à courir. J'aimerais tant. Je ne veux pas et je ne peux pas.
La ligne d'arrivée est là. Le speaker me voit approcher. Il me crie : "Allez Frederic, on finit en courant."
Désolé ! Je marche. Jamais je n'aurais fini une épreuve en restant autant de temps sur le tapis rouge.
Le speaker m'accueille. Il tape ma main.
Et je boucle finalement l'épreuve au bout du rouleau en 5h45 !
Quand je pense aux IronMan que j'ai faits par le passé où j'étais insatisfait.
Eh bien, comparé à ce terrible Half, ces courses n'étaient pas si mauvaises que ça.
Parenthèse
Un peu plus tard, je croiserais Nicolas. Le même qui m'a passé comme un avion et qui boucle son semi en 1h17 et 17ème scratch ! Bravo !
Fort justement, il me dit avec plein de sagesse que je ne pensais pas pouvoir courir et que finalement je suis allé au bout. Alors, ce n'est pas si mal !
C'est vrai que vu comme ça.
N'empêche que le compétiteur reste compétiteur. Pour la CAP, je le savais. Mais je reste un peu amer de ce VELO médiocre, mon point fort. De souvenir de vieux triathlète, il ne m'était encore jamais arrivé de penser que je n'avais pas envie de pédaler.
Dénouement
Heureusement je fais une belle Natation.
Si j'avais été sur l'épreuve Reine, l'IronMan, jamais je n'aurais pu terminer le vélo dans une telle souffrance. J'ai souffert comme rarement. J'avais deux morceaux de bois à la place des jambes qui endolorissaient les genoux. Après un Ironman, je pouvais conduire pour rentrer au logement. Là, non, les jambes étaient tellement explosées. Et Challenge Family n'avait même pas un stand de kinés pour masser à l'arrivée.
Il n'y a pas de course difficile. Il n'y a que des athlètes mal préparés. Avec le recul, je n'étais pas prêt.
***
Quoiqu'il en soit, je crois que la clé du futur est dans les ischios.
À chaque fois, ce sont eux qui m'ennuient dans une préparation, quand ce n'est pas une malheureuse scie qui me sectionne un bout de pouce.
Je sais ce qui me reste à faire.
Certains qui liront l'article penseront, et ils auront raison, que je prends de l'âge et que c'est dans "l'ordre des choses." Certes. Mais il ne faut pas baisser les bras. Tout est possible.
Parce que je ne joue pas la gagne sur une course. Je ne l'ai jamais jouée. Je joue une belle place parmi mon groupe d'âge. Et que même à 50 ans, je laisse encore plein de petits jeunes derrière moi.
La saison est bouclée. Morne saison.
Maintenant place aux salons du livre et aux autres rendez-vous littéraires. D'ailleurs si vous souhaitez de la bonne lecture, faites moi signe.